une mort annoncée !

L’art brut reste comme une écharde plantée dans la chair de l’art patenté. Plutôt que d’admettre l’objection embarrassante qu’il représente ou de s’infliger la fatigue d’un dialogue polémique à son propos, ses détracteurs préfèrent se débarrasser du problème qu’il pose.
Comme il est devenu difficile de nier carrément son existence, on feint de l’admettre pour publier immédiatement l’avis de son décès. L’art brut serait mort avec Jean Dubuffet. Il ne représenterait qu’un éphémère phénomène historique, achevé, limité à une collection et à un collectionneur. L’art brut équivaudrait à la collection de Dubuffet, un point c’est tout.
De plus, l’évolution des technologies, la généralisation de leur usage, les progrès de l’instruction qu’elles supposent feraient que plus rien ni personne n’échapperait aujourd’hui à un système collectif de références calibrées. Nous serions entrés définitivement dans le paradis des perroquets où l’art se confond avec l’ingéniosité plus ou moins grande que des techniciens de la création déploient pour assaisonner des plats toujours identiques.
C’est compter bien sûr sans la capacité de résistance de l’être humain, sans son goût des folies et son amour de la contradiction qui lui font, depuis l’aube des temps, préférer au morne conformisme instinctuel de la tribu, des solutions inédites, absurdes ou transcendantes selon qu’on se place du point de vue du présent ou du futur.
Les contre-exemples que constituent [Martin Ramirez->143], [Henry Darger->91], [Bill Traylor->162], [Jaime Fernandes->96] ou [Judith Scott->427] suffisent à ruiner l’opinion défaitiste selon laquelle le temps des grandes découvertes serait révolu. La nostalgie de ceux qui se plaignent que, depuis l’invention des neuroleptiques, on ne voit plus d’Aloïse ou de Wölfli, ne signe que leur inaptitude à la surprise, toujours inhérente à l’art brut, et leur vénération naïve pour le retour du même.
Si l’art brut est mort - d’une certaine façon il meurt avec chaque création qui peut lui être rattachée - alors son cadavre encombre joliment le champ culturel contemporain.

 

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